La brise encore fraîche du matin m’enveloppe doucement. Il est 6 h 44, la ville dort encore, mais j’aperçois déjà ses premiers signes de vie depuis la terrasse sur le toit de notre auberge. Ma peau d’hiver picote sous l’effet du bain de soleil des derniers jours—elle n’est pas encore habituée à être si exposée. Les bruits des fêtards et des klaxons se sont tus, laissant place à la nature. Je ferme les yeux et j’entends le chant d’oiseaux inconnus. Je les imagine avec de longs becs et des plumes colorées.
Carthagène est une ville beaucoup plus touristique que ce à quoi nous nous attendions. Ce n’est pas exactement ce que nous avions imaginé en venant ici, mais il serait ingrat de s’en plaindre. J’y trouve du charme, malgré tout, un peu partout où je pose les yeux.
Nous bâtissons nos journées au rythme de nos envies. Je me sens chanceuse de partager ce voyage avec mon amoureux et qui, comme moi, apprécie la simplicité. Pas question de planifier nos journées d’avance—nous sommes comblés rien qu’en passant du temps dans les parcs de la ville à dessiner, lire, nous nourrir d’arepas et de paletas et découvrir les quelques bons cafés du coin. On se laisse porter par le rythme de nos vacances, sans la pression d’un horaire chargé, sans la crainte de ne pas assez en profiter.
Il y a quelques jours, nous avons pris le bus pour nous rendre au marché de Bazurto. J’adore visiter les grands marchés publics en voyage—jusqu’à maintenant, le plus impressionnant que j’avais vu était celui de Cusco, au Pérou. C’était gigantesque : des têtes de vaches, des intestins de toutes sortes d’animaux, des cochons d’Inde grillés, prêts à être mangés. Mais ici, au marché de Bazurto, c’était un autre genre de chaos.
Enfin, nous étions les seuls touristes dans cet endroit. Un chaos tout à fait normal pour ceux qui y vivent : des vendeurs d’ananas installés juste à côté de ceux qui proposent du poulet réchauffé par les 33 degrés ambiants, une musique assourdissante, des marchands qui nous attrapent par le bras pour nous supplier d’acheter leurs produits ou de manger dans leur petit restaurant, des motos qui passent à 1 pouce de nous à peine. Je baisse les yeux et vois un homme couché sur le béton avec une jambe cassée. Plus loin, des hommes me dévorent du regard, me font des clins d’œil en espérant je ne sais quoi en retour.
Au centre du marché, c’était là que tout se passait. Puis, en s’éloignant un peu, nous avons trouvé des couloirs plus calmes, jonchés de déchets, imprégnés d’une odeur de vieille viande. Et pourtant, ici, des gens travaillent chaque jour de leur vie. Une vieille dame qui vendait des fleurs, des coupes-ongles et des fausses montres m’a offert le plus beau des sourires. Dans ses yeux, il y avait cette lueur, quelque part entre l’espoir et la résignation.
Ce genre d’expérience me touche toujours beaucoup. Je me dis, et me redis, que jamais je ne me plaindrai d’aller travailler. Car pour des milliers de personnes, la nourriture qu’ils mettront sur la table ce soir dépend du nombre d’allumettes vendues.
Nous quitterons bientôt la ville pour rejoindre un petit village de pêcheurs, un peu plus au sud. Je profite de mes derniers instants à Carthagène, mais j’ai tellement hâte de découvrir une autre facette de ce pays, quelque chose de plus naturel, plus calme, plus enraciné dans la culture colombienne.
Et puis, je suis toujours profondément heureuse quand je suis près de la mer. C’est comme un retour aux bases de la vie : marcher pieds nus dans le sable, me baigner dans l’océan, manger des fruits à profusion, être dans la lune et avoir les cheveux couettés par le sel et le vent, m’imprégner de la nature qui m’entoure et être totalement comblée !!
J’ai hâte !